Oh, je n’ai pas grand-chose à en penser. Laurent a continué, il avait envie de faire cela. Laurent est un dessinateur modeste, plein de talent et qui a une vraie recherche pour pousser ses limites sans arrêt. C’est un vrai dessinateur qui aime le vrai dessin. J’insiste sur le mot ‘vrai’ parce que il y a plein de gens en BD qui apparemment ne sont pas tellement intéressés par le dessin pur. C’est aussi quelque chose que je remarque en salon et que je défends à travers les fresques : poursuivre cette tradition du rôle du dessinateur BD. Je sais bien que l’on peut faire de la BD avec très peu de dessins, mais moi, vu mes racines, j’adore que la bande dessinée soit aussi une scène où le dessin soit mis en vedette. Je suis un enfant de Franquin, de Giraud et de McCay. Ces gens sont des tout grands dessinateurs, comme il y en a eu dans toute l’histoire de l’art occidental et je m’inscris dans cette lignée-là, modestement, mais quand même. Ce sont ces gens-là qui m’ont donné envie de faire ce métier. Je reconnais qu’il y a moyen de faire des choses formidablement dessinées sans dessin ou avec un dessin extrêmement réduit voire médiocre. Je vois toute une branche de la BD qui tourne le dos au dessin. Mais quand ces gens-là montent un peu dans l’arrogance et commencent à critiquer le dessin bien fait en disant que ce n’est pas moderne, que c’est ringard et que ces gens-là n’ont rien compris, là je me fâche. Je dis non. Ce n’est pas parce qu’il y a moyen de faire de la BD sans dessin que les gens qui dessinent bien n’ont plus leur place dans la BD. Il y en a une série à Paris qui tiennent ce discours-là. Évidemment cela leur sert, parce que quand on n’est pas très assuré en dessin, qu’on a plein de choses à cacher ou qu’on est fainéant, c’est un discours qui peut donner le change. Les critiques aiment beaucoup ce discours-là évidemment, parce que quand on parle de modernité et qu’on fout tout un art en l’air, cela tient la route. Mais moi je suis désolé, je ne marche pas là-dedans. Pour moi, le vrai dessin a une vraie valeur. Laurent Verron fait partie de ces dessinateurs-là qui ont envie de continuer, qui ont un plaisir fou à dessiner et que le grand format intéresse. Donc Laurent, je lui ai mis un peu son pied à l’étrier. Je crois qu’il y aurait moyen de faire du dessin en grand format d’une toute autre manière. Il se trouve que moi j’ai trouvé une technique qui me convient bien et que je l’ai transmise à Laurent. C’est cette technique qu’il utilise : le pastel gras pour le trait et l’acrylique plus ou moins dilué avec des gros pinceaux pour la couleur. Laurent fait pareil.Je sais qu’il y a d’autres dessinateurs qui font du grand format, ils en auraient fait de toute façon et je n’y suis pour rien. C’est naturel que des bons dessinateurs à un moment s’essaient en grand. Cela a toujours existé et cela existera toujours. Maintenant, je pense quand même que je suis un des seuls à improviser sur 2 jours de temps, dans des salons, et des dessins aussi sophistiqués que ceux que je fais. Il y a eu tout un cheminement, toute une technique mise en place, y compris de conception. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a une sorte d’échange, d’allées et venues entre ce travail sur les fresques et le travail sur les planches en petit. Ces allées et venues sont extrêmement profitables pour les deux phases. Et c’est comme cela que je n’arrête pas d’avancer, d’explorer, d’améliorer et de proposer des choses un peu plus originales, plus sophistiquées.